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🐾 L'Ascension des Bêtes
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Dossier : 🐾 L'Ascension des Bêtes
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Nicolas Jaud 23/03/2025 Nicolas Jaud 23/03/2025

Musicothérapie et handicap : L’Homme aux 10000 questions

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Nicolas Jaud 22/03/2025 Nicolas Jaud 22/03/2025

Exploration vocale : explorer la voix… ouvrir la voie

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Nicolas Jaud 22/03/2025 Nicolas Jaud 22/03/2025

Musicothérapie de la résonance

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II. Le Reflet

Il n’y avait que le tic-tac irrégulier du vieux régulateur, suspendu là depuis des années sans que personne ne l’ait jamais remonté.

Snowball restait debout, figé entre la table et le miroir, les traits tirés, les yeux fixes. Il ne voyait pas vraiment son visage. Il voyait autre chose. Quelque chose qui le regardait en lui.

Le miroir, piqué de taches noires, laissait deviner deux silhouettes mêlées : l’une droite, aux babines fines, crinière blanchie, regard tendu ; l’autre plus massive, front bombé, oreilles en arrière, le port altier. Il bougea à peine la tête — dans le reflet, les deux formes ne bougèrent pas à la même vitesse.

Il cligna des yeux. L’image se redoubla encore.

Et dans ce décalage naquit une pensée, d’abord ténue, puis tenace : et si c’était lui ?

Pas lui-même. Lui, l’autre.

Franco.

Le mot fit surface sans son. Puis se logea dans sa bouche. Il l’ouvrit, doucement. Rien ne sortit. Pas tout de suite.

Puis, presque tendrement, il murmura :

— Tu n’as jamais vraiment disparu, pas vrai…

Il s’approcha du miroir. Lentement. Le plancher grinça sous ses sabots. Le reflet s’ajusta à peine.

— J’ai voulu t’effacer. J’ai parlé d’avenir. De transparence. J’ai créé un œil pour regarder le monde. Mais tu regardais en moi depuis le début.

Il leva une patte. Dans le miroir, les deux la levèrent.

— Tu fais peur. Mais tu es clair. Brutal, mais lisible. Pas de parade. Pas de théâtre.

Il toucha la glace du bout de l’ongle. Le froid du verre traversa son crâne comme une lame.

— Moi, je me suis raconté des histoires.

Derrière lui, Vince avait entrouvert la porte. Il n’osait pas parler.

Snowball inspira profondément, puis dit, à haute voix cette fois :

— Il ne revient pas.

Silence.

— Il me précède.

Il se retourna vers Vince, sans hâte. Son regard était calme. Troublant de calme. Il fit un pas vers lui. Puis deux. Et s’arrêta.

— Tu sais ce que je me suis dit, en l’écoutant ce matin ?

Vince secoua lentement la tête.

Snowball s’inclina légèrement vers lui, comme pour livrer un secret.

— Je me suis dit que c’était bien prononcé.

Il sourit. Un vrai sourire, mince et froid.

Puis il ajouta :

— Je crois que j’ai toujours voulu l’imiter. Mais je ne l’ai su qu’aujourd’hui.

Il fit demi-tour, s’assit dans le fauteuil usé face à la cheminée, et tourna le cadre. Le visage de Franco apparut, mangé de reflets.

Vince n’avait pas bougé. Il fixait Snowball, figé au seuil.

Pendant un instant, très bref, le cochon baissa les yeux. Comme pris sur le fait. Un reste de rougeur monta à ses oreilles.
Il porta une patte à son col, le remonta d’un geste sec. Puis il releva la tête.

Et là, dans son regard, il n’y avait plus rien à cacher.

Une voix intérieure sembla flotter dans la pièce :

« Le pouvoir ne se partage pas. Il se prolonge. »

Snowball fixa le feu mourant.

Et pour la première fois depuis longtemps, il se sentit entier.

III. Le Disque Rayé

La platine avait été installée à l’aube, au centre exact de la cour, comme un autel.
Un vieux modèle, restauré à la hâte, au bois poncé, aux câbles rapiécés. Vince s’était chargé du branchement, Snowball avait choisi le disque lui-même. Un vinyle épais, taché, sans étiquette, extrait d’un coffret oublié au fond du dépôt F.

— Ce n’est pas un chant, avait-il dit.
— C’est une mémoire harmonisée.

Il plaça le disque sur la platine.
Un souffle. Puis un accord.
Une guitare sèche, seule. Une voix juvénile.

“The sun on the meadow is summery warm…”

La voix glissait, claire, presque fragile. Elle semblait flotter au-dessus de la ferme, comme un souvenir qui n’aurait jamais existé.

Snowball ferma les yeux.

Dans sa mémoire, une scène remontait : un garçon blond debout dans une taverne, les yeux levés, la foule derrière lui, une lente montée en ferveur.
Un chant qui devient bras tendus, alignements, silence imposé.
Un chant qui enivre autant qu’il commande.

“The stag in the forest runs free…”

Autour de la cour, les bêtes ne bougeaient pas.
Elles ne comprenaient pas les paroles. Mais la musique, elle, disait autre chose.
Une promesse. Une beauté trouble. Un élan ancien.

“Tomorrow belongs to me…”

La voix s’éleva.
Puis… le disque sauta.

“Tomorrow belongs— belongs— belongs— belongs—”

Une boucle.
Un heurt.
Une faille.

Et personne ne réagit.

Les moutons restèrent figés.
Les vaches cessèrent de ruminer.
Un cochon leva le museau, suspendu entre deux inspirations.

Vince cligna lentement des yeux.
Il hésita. S’apprêta à dire quelque chose.
Mais se ravisa.

Snowball souriait.

Il ne voyait rien.
Ou plutôt, il voyait tout : le film, le garçon, la foule, la grandeur.
Mais rien de ce qui l’entourait.

Le disque tournait toujours.

“Tomorrow belongs— belongs— belongs—”

La cour était muette.
Le vinyle, lui, répétait.
Encore.
Et encore.

Jusqu’à rendre fou.
Ou jusqu’à endormir.

IV. Des Rires et des Silences

Le tourne-disque ne jouait plus. Mais il n’avait pas été rangé.
Il trônait encore là, au centre de la cour, recouvert d’un voile translucide.
Une forme familière. Un fantôme d’objet.

Les animaux passaient à côté sans vraiment regarder, comme on évite une flaque trop claire. Et pourtant, tous savaient ce que le vinyle avait laissé.

Le refrain, lui, restait.

Certains moutons le murmuraient sans s’en rendre compte, entre deux broutements.
Une syllabe, un souffle, un rien. Mais le rien revenait.

Un après-midi, dans l’enclos nord, un porcelet se mit à l’imiter. Il fit tourner en boucle une phrase inventée, nasillarde, en sautillant comme un pantin.

— Demain m’appartient, demain m’appartient…

Il riait fort. Trop fort. Deux chèvres le regardèrent, mi-amusées, mi-inquiètes.
Il marquait les temps avec une justesse étrange.
On aurait dit qu’il avait répété.
Et lorsqu’il improvisa une phrase — “Demain m’appartient, et je vous regarde” — le rythme collait trop bien.
Les chèvres s’étaient figées un instant, avant de rire à leur tour. Mais sans joie.

Les rires étaient courts. Tranchants.
Des rires d’après-choc.
Des rires pour ne pas penser.

La nuit, dans les stalles, les chuchotements se firent plus confus.
On reparla de Franco. De la voix revenue. De l’air du disque.
Quelqu’un disait que c’était une chanson ancienne, d’un temps où les bêtes avaient une seule loi, brutale, mais claire.

Une vache osa :
— Au moins avec lui, on savait qu’on avait peur.

Personne ne répondit. Mais plusieurs se détournèrent, lentement.
La phrase resta, suspendue dans la litière tiède.

Le lendemain, le tourne-disque avait disparu.
Pas déplacé. Absorbé.

Snowball ne fit aucun commentaire. Il fit lire, à la place, une déclaration publique :

“La mémoire sans cadre est un ferment de désordre.
Le chant non autorisé devient langage toxique.
Le silence, lui, peut construire.”

Vince ajouta une précision :

— Toute écoute sans validation sera considérée comme sabotage narratif.

Un mot nouveau : sabotage narratif.

La semaine suivante, un bouc fut arrêté.
On l’avait surpris à taper du sabot en rythme, seul, dans l’étable des fourrages.
Il n’avait ni chanté, ni parlé.
Juste frappé le sol, avec une régularité étrange.

Son procès fut bref.
Snowball ne s’y rendit pas.
Un cochon lut une phrase :

— Le rythme appelle l’écho. L’écho construit le trouble.

Puis le bouc fut emmené.
On ne le revit pas.

Le soir même, Vince proposa une liste noire sonore : bruits suspects, tonalités à surveiller, intervalles dissonants.
Snowball ne répondit pas tout de suite. Il regardait l’écran de Big Pig, toujours noir.

— Ce qu’il faut maintenant, dit-il enfin. Ce n’est plus d’entendre.
C’est d’oublier.

V. Benjamin, seul

La nuit n'était ni claire ni obscure, suspendue quelque part entre deux silences, comme si le ciel, las de trancher, avait renoncé à nommer ce qu’il couvrait.

Benjamin s’était levé sans motif apparent. Il avait franchi la barrière basse, contourné l’ancienne étable, longé les silos où plus rien ne fermente. Il avançait lentement, tête basse, sans se cacher mais sans se faire remarquer, comme ces bêtes anciennes qui savent s’effacer sans disparaître.

Lorsqu’il atteignit la bordure ouest, là où l’herbe se fait maigre et les sons plus rares, il s’arrêta sans raison visible, les pattes bien ancrées dans le sol. Rien ne bougeait. Mais il tendit l’oreille, comme on écoute une absence, et ce fut alors qu’il perçut, très faiblement, un souffle venu de loin — non pas un vent, mais une vibration chaude, un reste de voix échappé d’un appareil défait ou d’un souvenir mal enterré.

“L’obéissance vous protège…
La répétition vous rassure…”

Il ne broncha pas. Il ferma les yeux un instant, puis les rouvrit, lentement, et porta son regard vers la maison centrale. Une seule fenêtre brillait encore. Derrière, une silhouette stationnait, presque immobile. Et dans le reflet pâle de la vitre, il crut distinguer un second profil, à peine décalé — plus massif, plus ancien — comme si le verre lui-même hésitait entre deux visages, deux règnes, deux vérités.

Le sol vibra. À peine.
Il baissa la tête, tendit le cou.
Et l’entendit.

Trois battements sourds, espacés.
Puis un silence.
Puis encore trois.

Ce n’était pas un écho animal.
Ni un signal naturel.
La vibration était trop régulière, trop exacte.

Benjamin pencha la tête.
Sous lui, la terre semblait porter quelque chose — une chaleur résiduelle, presque mécanique, comme si un ancien relais, oublié là depuis longtemps, s'était remis en marche.
Ou peut-être… quelqu’un, plus près qu’il ne le croyait, veillait encore.

Un. Deux. Trois…

Il ne songea ni à parler, ni à fuir, ni à comprendre.
Il écouta.
Et dans cette écoute, quelque chose se redressa en lui — un fragment de lucidité nue, sans espoir, sans colère.

Il murmura, très bas, pour lui seul :

— “Ce n’est pas fini.”

Épilogue

La ferme semble immobile.

Depuis la scène du disque, depuis la disparition du bouc, depuis les derniers mots de Benjamin… rien ne s’est vraiment produit. Et pourtant, quelque chose a changé.

On ne le voit pas.
Mais on le sent.

Un frémissement dans le sol.
Une plume retrouvée là où il n’y avait pas de vent.
Un regard échangé trop vite.
Une porte fermée à double tour, sans raison.

Les jours passent.
Mais ils ne tournent plus vraiment rond.

Trois lignes se dessinent.
Trois futurs.
Trois possibilités…

À vous de choisir !

1. 🐴 Le Souffle de Benjamin

Benjamin quitte la ferme.
Sans bruit. Sans détour.
Il traverse les lisières. Grimpe. Disparaît.
Pour fuir ? Pour chercher ? Pour faire naître autre chose ?

Et si le réveil ne pouvait venir que d’ailleurs ?
Et si partir était un acte ?

2. 🐔 La Trace de Gallina

Une plume. Une empreinte.
Gallina serait vivante.
Ou peut-être que non.
Un murmure circule : elle ne serait pas seule.

Et si la dissidence avait un nouveau visage ?
Et si Gallina n’était plus une ?

3. 🐷 Le Dernier Mot de Snowball

Dans la maison centrale, Snowball écrit.
Ou il délire. Ou il prophétise.
Il parle seul. Mais ses mots, déjà, se répètent.

Et si le pouvoir ne mourait jamais ?
Et si le disque, encore, se remettait à tourner ?

Conçu avec Squarespace

Photographies : Nicolas Jaud ©

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