Affiche promotionnelle pour l'épisode 5 de la série Snowball, avec une illustration d'un cochon anthropomorphe en costume noir, assis sur une chaise en bois, dans un style artistique sombre et réaliste.

I. Le Retour de la Voix

Cela commença par un souffle.

Un souffle râpeux, venu d’un haut-parleur oublié, encastré dans le mur d’une porcherie effondrée. Un souffle, puis un claquement sec. Comme un vieux moteur qu’on réveille à coups de poing.

Personne ne s’en aperçut d’abord. La cour, ce matin-là, bruissait d’une routine sans écart. Les moutons bêlaient leur refrain, les vaches s’alignaient au rythme du laitomètre, et Kolosse, comme chaque jour, tirait la meule en silence, les yeux mi-clos sur sa propre effigie projetée au mur.

Puis vint la voix.

Elle n’était ni métallique comme celle de Big Pig, ni grave comme celle de Snowball. Elle était humaine dans sa rugosité. Éraillée. Essoufflée. Mais tranchante comme une pelle en hiver.

« Le progrès n’existe pas. Il y a l’ordre… ou il y a le chaos. »

Ce fut une phrase. Une seule. Broyée par le grésillement, arrachée au passé.

Et pourtant, les bêtes s’arrêtèrent. Pas toutes. Quelques-unes. Celles qui avaient vécu avant. Ou celles dont la mémoire avait survécu aux projections. Une vieille oie tordit le cou. Une brebis détourna les yeux de son triangle vert. Benjamin, lui, leva lentement une oreille.

« Le débat est un poison. La parole affaiblit. Obéissez. »

Cette fois, la voix se fit plus nette. Les haut-parleurs du vieux silo, pourtant débranchés depuis des saisons, vibrèrent légèrement. Un jeune porcelet posa la patte sur le sol, comme pour capter une onde.

Dans la grange, Vince releva la tête. Il avait reconnu ce timbre. Ce ton. Il ne dit rien. Il attendit. Il espéra un bug.

Mais non.

« La fermeté, c’est la clarté. Ce qui vacille mérite la chute. »

Le silence qui suivit fut dense. Habité.

Les regards se croisèrent sans se chercher. Une tension sans nom circulait entre les enclos. Comme un courant d’air chargé d’orage.

La voix revint, plus basse cette fois, presque lascive :

« Si tu veux qu’ils te suivent… fais-les trembler. »

Puis le bruit cessa. Un clic. Net.

Le vent reprit ses droits. Les écrans de Big Pig clignotèrent, incertains. Aucun message n’apparut.

Sous le vieux haut-parleur, un câble sombre serpentait dans la poussière. Il semblait plus récent que les autres, mal enfoncé, comme tiré à la hâte.

Un des chiens dressa l’oreille. Il tourna brièvement la tête vers l’arrière-cour, là où les planches s’écaillent.
Puis il s’immobilisa.

Aucun “incident sonore” ne fut consigné.

Mais les bêtes savaient. Même si elles n’avaient pas de mots, elles savaient : Franco avait parlé.
Ou du moins… quelque chose avait parlé avec sa voix.

Une peinture représentant un groupe d'animaux de ferme, notamment un cochon, des moutons et des poules, devant une vieille ferme en pierre, sous un ciel orageux.